Copier, c'est voler
...Mais j’aurais pu aussi appeler ce petit apparté : « Une idée que l’on aurait pu avoir »..
L’humanité est ainsi faite..
Régulièrement, lors de mes salons ou marchés de créateurs, j’entends des personnes chuchoter « il a juste collé du carrelage sur une table ! », » c’est pas bien compliqué à faire ! », ou « mais où trouvez-vous vos matériaux ? », « vous avez une carte ? un site internet ? » ..et mieux encore « je peux prendre une photo ? c’est pour mon mari, ma fille, ma sœur..elle va adorer ».
Parfois, ces petites phrases en apparence anodine sont sincères et dénuées de mauvaises intentions..
..Parfois ;
.. Car malheureusement, la réalité est souvent tout autre (et tous les créateurs que je rencontre connaissent ces mêmes situations de façon récurrente) ; Dans un monde occidental de plus en plus dédié aux loisirs avec du temps libre supplémentaire, la mode du « Do It Yourself », et le téléchargement gratuit, ont créés une façon de penser assez malsaine ,en partant du postulat qu’il ne faut surtout pas acheter tel ou tel objet au prix demandé, surtout si vous pouvez le faire vous-même.. ou –comme je l’écrivais à l’instant- le télécharger gratuitement (légalement ou pas) devant son écran d’ordinateur.
Bien sûr, on peut tous s’inspirer du travail des autres.
Moi-même, je me suis inspiré du travail de Piet Mondrian pour en détourner les codes et surtout le travail de la matière.. car il ya une grande différence entre copier et créer.
Quand on copie un modèle, quand on reproduit un style, un visuel, quand on réalise « à la manière de », on prive le créateur et l’auteur de tous ses droits ...même quand on le fait uniquement pour son bénéfice personnel.
Quand on reproduit pour soi-même, c’est par économie ou pour le plaisir de produire ..pour la fierté qu’on va en retirer. Forcément, on va monter aux autres ce qu’on a fait, à la famille, aux amis, aux copains, aux collègues ..c’est humain ; Aux yeux de tous, ça va devenir NOTRE réalisation, NOTRE création ; C’est NOTRE nom qui lui sera associé..
..Le créateur initial -lui - est totalement oublié.
Je ne vole personne même si dans un premier temps, mes créations peuvent paraitre chères (après réflexion, tous comprennent que non).
J’ai passé des milliers d’heures à développer mes idées, à mettre au point mes créations ; J’ai testé de multiples choses avec plus ou moins de bonheur, je me suis blessé aussi, j’ai cassé du matériel, des matériaux – à maintes reprises - jusqu’à trouver le bon geste, le bon timing, le bon process..
..Bref, j’ai développé une technique –complexe - qui m’est propre..
Quand « on prend des idées » -même toutes simples- on s’approprie tout le travail de réflexion et d’invention de celui qui en est à l’origine.
Le créateur - avec toutes ses maladresses de fabrication – est fier de ce qu’il a réalisé, fier de montrer son travail ..et heureux lorsqu’il le vend à des personnes en face de lui qui ont eu un coup de cœur pour son travail et sa qualité. Beaucoup de créateurs (sur)vivent du RSA - ce qui est mon cas - et leur revenus provient de la vente de leur créations ..lorsqu’il y a profit ! ..car le coût des salons est exorbitant et je ne vous parle même pas de tous les frais annexes (gasoil, hôtels, frais de bouche, parkings), je ne vous parle pas non plus des cotisations (normales sur le principe mais assassines pour les TPE lorsque les grands TRUSTs défalquent tout et défiscalisent en toute impunité avec un taux d’imposition ridicule, pas besoin de vous donner de noms, vous les connaissez), impôts, achats des matériaux, électricité, etc, etc..
Quand on pique l’idée d’un créateur pour la copier ou la reproduire, on lui vole son travail ; On le prive de la juste fierté de ce qu’il a réalisé, on le prive de son originalité, de sa particularité, de ce qui fait son identité ..c’est tout cela qu’on s’approprie !
Quand on reproduit volontairement un objet, en plus de voler le créateur d’une possibilité de revenus .. on devient responsable des conséquences pour la communauté : car c’est tout le principe de répartition (et auquel on tient) qui s’en trouve affecté ; A travers les impôts, les cotisations et autres taxes, ce sont les ressources de l’hôpital, de l’éducation nationale et de tous les services publics de manière générale - qu’on trouve normal d’utiliser et dont on constate la constante dégradation – que l’on finance.
Bien sûr, ce qu’on s’est approprié n’est qu’une goutte d’eau, « on ne fait rien de mal ! ?» ..mais quand on le ramène à l’échelle de toute une population, à des pratiques massives de « libre » reproduction, ça fait très mal ! Cela s’appelle « l’effet papillon ».
Ce texte a été écrit en grande partie par une collègue créatrice (Véronique pour ne pas la nommer) que j’ai rencontré il y a quelques années lors d’un salon et qui a -semble t’il- « baisser rideau » (comme beaucoup) n’arrivant plus à voir quoi que ce soit sur elle sur la toile.
Et, bien sûr, ce texte ne s’adresse qu’aux personnes mal intentionnées (et nous ne vivons pas dans un monde de bisounours), les autres n’y verront –à juste titre – qu’un recueil de bon sens…